Nous l'avons vu en avant-première et c'est un grand film. "J'accuse" signé Roman Polanski sort au cinéma demain. Grand film par ses décors, les costumes, l'ambiance Belle Epoque mais aussi parce qu'il revient sur "la fameuse affaire" qui  déchira la France à la fin du XIXème siècle, prémice à la vague d'antisémitisme qui déferlerait au cours du XXème siècle.

Louis Garrel est Alfred Dreyfus et Jean Dujardin, le colonel Picquart qui mit à jour les incohérences de l'enquête ayant mené à l'accusation, la dégradation et la condamnation au bagne à perpétuité du  capitaine.

C'est bien par cette scène de dégradation que débute le film, mémoire d'une illustration célèbre du Petit Journal de l'époque dépeignant la scène et  montrant l'épée brisée du Capitaine, dans la Cour des Invalides. Emmené au bagne de l'Ile au Diable, Alfred Dreyfus n'est présent dans le film que par intermittence. Car c'est bien à un démontage de l'enquête auquel s'est attaqué le réalisateur. 

L'affaire était jugée. Il n'y avait donc plus rien à dire. Le Colonel Picquart qui avait assisté au jugement en cour martiale, est antisémite et ne le cache pas : "Non, je n'aime pas les Juifs mais je n'ai pas d'attitude discriminatoire envers eux". Dreyfus est son ancien élève à l'école supérieure de guerre.

Devenu Lieutenant-Colonel au Renseignement, Picquart découvre un drôle de service, un personnel désoeuvré, des enquêtes approximatives, loin d'être tenues sous le sceau du secret.

Digne d'un récit mélant enquête policière palpitante et espionnage, le film est riche en témoignages sur les techniques de renseignement de l'époque: ouverture délicate des courriers, graphologie approximative, espions qui déposent des contenus de corbeilles à papier dans les églises, collage de télégrammes déchirés, des balbutiements d'enquêtes approximatives auxquelles on pouvait faire dire ce que l'on voulait.

Très vite, Picquart découvre ce petit monde avec ses codes et décide d'y remettre de l'ordre de façon pragmatique. Ce qui ne plait pas à tout le monde. Il découvre l'espion à la solde de l'Allemagne, Estherazy. Et veut faire éclater la vérité. Menacé par sa hiérarchie, il affirme:"Je n'ai pas d'affection pour Dreyfus mais pour la justice" . Tandis que le Commandant Henry qui travaille aux côtés du Colonel lui explique "Sans les chefs, on est rien. Ce n'est pas de ma faute, c'est l'armée", Picquart, cinglant, réplique "Votre armée n'est pas la mienne".

Accusé d'être à la solde d'un syndicat juif, victime de machinations, Picquart finit par rencontrer Emile Zola qui écrira dans une lettre fleuve adressé au Président de la République, son fameux "J'accuse" le 13 janvier 1898 dans le journal l'Aurore, à l'époque dirigé par Georges Clémenceau. Muté puis emprisonné, Picquart, paiera le prix de la vérité. Dreyfus sera libéré puis réhabilité en 1906. 

Un film, adapté du roman historique "D" de Robert Harris, à voir pour sa valeur historique et son regard singulier sur l'Affaire Dreyfus.

A l'affiche, Emmanuelle Seigner, Grégory Gadebois, Didier Sandre, Denis Podalydès...

 

Marie-Hélène Abrond

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