C'est un seul en scène poignant. Adaptée du livre de Ruth Klüger "Refus de témoigner", cette pièce est en reprise au Théâtre de la Contrescarpe à Paris jusqu'à la fin décembre. Mise en scène par Jacky Katu et portée par la comédienne, Sandra Duca, elle participe au devoir de Mémoire en racontant l'histoire de l'auteur vécue dans l'univers concentrationnaire nazi dont elle sortit par miracle.

"C’était la mort et non le sexe, le secret dont les grandes personnes parlaient en chuchotant, et sur lequel on aurait bien voulu en apprendre davantage.", c'est ainsi que débute le vibrant témoignage de l'auteur dans son ouvrage. La tête sous la couverture, l'enfant de 8 ans cherche à saisir quelques bribes des nouvelles terrifiantes qui s’échangeaient autour de la table. Toutes concernaient des Juifs.  

Née en 1931, habitant Vienne, en Autriche, son père est médecin-gynécologue à l'hôpital. La jeune Ruth, incarnée par Sandra Duca, découvre donc le monde extérieur par le prisme de l'antisémitisme. Elle a déjà tout saisi de l'inexorable danger de cet univers de haine qui l'entoure mais que sa mère feint d'ignorer.

Dans ce monologue haletant, alternant témoignage et silencieux jeux de gestes, Sandra Duca incarne l'enfant-adulte, Ruth Klüger, qui subit les violences psychologiques et physiques au cours de son périple de Vienne aux camps de Theresienstadt, d'Auschwitz... dont elle réchappera par miracle. "Nous fûmes parmi les derniers Juifs déportés de Vienne, en septembre 1942", lance la comédienne.

Le jeu vibrant de Sandra Duca, à travers la gestuelle témoigne de la souffrance,  impossible à exprimer, tant le niveau d'horreur, indicible, ne peut se partager. 

L'émotion, le geste, le souffle de la respiration, symbole de vie,  oscille entre révolte du vécu, hommage à Viktor, son père disparu dans les chambres à gaz, description du voyage dans les wagons plombés. Ruth Klüger a 12 ans lorsqu'elle est déportée avec sa mère. La fillette pourtant habituée à ne pas enfreindre les règles, avoue 15 ans au lieu de 12, quand on lui demande son âge,  pour échapper à la mort à Auschwitz.  Dans tout son parcours, malgré la faim, les marches forcées, sa volonté parviendra à transcender la souffrance. "Je ne vais pas mourir ici" se répète-t-elle. 

Si l'auteur, partie vivre aux Etats-Unis, après la guerre pour enseigner la littérature allemande est longtemps restée mutique sur sa vie passée avant d'écrire son livre en 1997, cette pièce revêt une valeur pédagogique réelle et pourrait être portée dans les collèges et lycées comme un vibrant et émouvant témoignage.

Rendez-vous au Théâtre de la Contrescarpe, les 16, 30 novembre et 14, 28 décembre, à 14h30.

 

Marie-Hélène Abrond

                                                                                                       Paru le 4 novembre 2019

 

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