En ces temps de virus, rien de tel qu'un spectacle multivitaminé !  Les Echos-Liés sont à Bobino à Paris, jusqu'en juin. Une équipe de 13 danseurs hors normes, 150 tableaux différents, un état d'esprit positif et tonifiant, en bref un spectacle familial qui mêle à la fois performance physique, art, slam, sensibilité et bienveillance. Les Echos-Liés, sous la houlette de Jérôme Ortega, son chorégraphe et créateur mène l'équipe de main de maître. Nous avons interviewé l'artiste et l'homme, indissociable de son art. Une belle leçon d'humilité et d'humanité.

Les Echos-Liés ont 20 ans. Parlez-moi de la genèse de votre troupe.

Au départ, c'était du rap. On était deux et on se produisait beaucoup.  J'avais besoin d'exprimer des choses que je n'entendais pas ailleurs. Mais notre public était uniforme et je voulais toucher tous les âges, tous les milieux.  Nous avons fini par devenir un collectif qui faisait de l'art de rue, du rave, de la break dance et pas seulement du hip-hop. On ne fermait aucune porte. 

Ce qui marque, dans votre spectacle, c'est la danse,  la performance physique et l'état d'esprit positif. Comment avez-vous réussi à lier l'ensemble ?

C'est totalement naturel. Mon père m'a rappelé qu'à 12 ans, alors qu'on était en Espagne et sans parler la langue,  j'avais monté un spectacle avec les gamins du quartier, puis réuni les parents.  Cet ensemble, je le porte en moi en lien avec la scolarité chaotique que j'ai eue. L'art me servait d'expression. Il y eut le dessin, l'écriture, la danse. Je me suis toujours servi de cela pour réunir les gens autour d'un message positif. 

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Photo Terry Lair. Au centre Jérôme Ortega.

Vous êtes treize sur scène avec des parcours variés, entre  Rémi, record mondial de salto ou Mohammed qui est passé par l'Opéra d'Alger et de Paris... Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Pour la plupart, lors d'un casting. A chaque fois, j'ouvre les portes de ma bulle et leur explique qui je suis. Dans cette équipe, on est tous dans la même énergie. Chacun a vite trouvé sa place car on est tous sur la même longueur d'onde. Le temps de création a été court et très intense avec un entraînement d'une à cinq heures par jour. 

Dans la troupe, votre fille Maïlyss. Son envie d'être danseuse est-elle née à votre contact ?

J'avoue que je suis très fier d'elle. A 4 ans, on était ensemble au Mexique avec sa maman. On a parcouru 25 000 km là-bas. Elle m'a vu faire du spectacle de rue et quand on est rentrés en France, elle m'a souvent suivi. Un jour, je lui ai demandé ce qu'elle voudrait faire plus tard. Lorqu'elle me répondit danser, j'ai voulu savoir pourquoi. Elle me répondit: "Pour faire du bien aux gens". Ce jour là, je me suis dit qu'elle avait compris l'essentiel.

Le spectacle est indissociable des valeurs que vous portez. On l'entend dans les textes de slam.. avec, entre autres, l'envie d'apprendre, ne pas perdre espoir, extraire le positif du négatif. Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur tous ces messages ?

Je crée des spectacles ou anime des conférences pour toutes ces raisons. Le projet est de tenter de donner des repères peut-être parce que je n'en ai pas eus. A chaque déménagement, en plein milieu d'année scolaire, je ne comprenais pas tout, les codes changeaient et se faire accepter était difficile. Alors, j'ai utilisé l'art, beaucoup observé pour comprendre ce qui se passait autour de moi. Devant l'adversité, j'ai étudié ma nature, la nature humaine et adopté une attitude positive.  Je crois qu'il existe une logique de réussite, une vibration commune à aller bien.  Quand j'étais jeune, j'avais écrit: "J'aimerais sourire juste parce que je vais mieux"

 

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Photo Denis Tribhou

Le chemin pour aller mieux existe. C'est ce que j'essaie de partager avec l'esprit de bienveillance. Ce qui a changé dans notre monde, c'est un manque de lucidité sur le manque de bienveillance. Il y a de l’amour partout mais en devenant bienveillant avec les autres, on le devient aussi avec soi.  En incarnant certaines valeurs de façon naturelle et en les cultivant, on finit par les incarner.  Alors, on est alignés, juste soi et on obtient ce qu’on demande. Mais il faut aussi apprendre à recevoir ce qu’on a demandé. C'est un peu comme la réussite. Il est sans doute plus facile d’échouer que réussir. Car on peut recommencer après un échec mais quand on réussit, on s’interroge sur la suite.

Il y a aussi le vecteur de transmission qui vous tient à coeur...

Elle est nécessaire au quotidien. C'est ce que j'ai voulu faire en créant la E3 Academy que j'ai dû mettre en sommeil à cause des spectacles.  Je pense que les gens prennent l’apprentissage comme un entonnoir en essayant d’être de plus en plus performants dans une seule discipline. Pour  transmettre, mon idée est de prendre l'entonnoir à l’envers. Je pars de tout petit pour apprendre à tout faire, avec un esprit de facilité et par mimétisme. Moi, je me suis émancipé des cases de l’école. Je voulais comprendre la case des autres. J’ai voulu rentrer dedans mais ça n'a pas fonctionné, parce que ce n'était pas moi. J'ai voulu transcender les cases.  L’essentiel est d’être en accord avec ce qu’on est vraiment.

Au fond, la danse est un langage universel qui permet de transmettre au delà des frontières...

La danse, le geste, le verbe, le son, forment un langage universel. Grâce à Echos-Liés j’étudie constamment pour savoir si le message passe au-delà des frontières. En Chine, ou ailleurs, j'ai vu que notre énergie et les messages étaient reçus partout de la même façon.Au fond, on a tous besoin des mêmes choses pour aller mieux !

Marie-Hélène Abrond

                                                                                                         Publié le 11 mars 2020

Jusqu'au 20 juin 2020 à Bobino. Réservations sous ce lien

 

 

 

 

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