C'est un sujet douloureux, épineux, objet de controverses et de malveillance, de non-dits, de pensées subversives, ... un de ces sujets d'actualité qu'on ne peut taire, tant il véhicule et est l'objet de haines ancestrales qui n'ont toujours pas trouvé leurs solutions en dépit des lois des hommes. L'antisémitisme est toujours là !

Delphine Horvilleur, l'une des trois femmes rabbin en France a publié "Réflexions sur la question antisémite" chez Grasset. Un ouvrage passionnant pour questionner et comprendre.

Dans cet ouvrage qu'elle dédie à Simone Veil et Marceline Lorridan, mais aussi à la mémoire de ses grands parents survivants de la Shoah, l'auteur fait appel d'emblée à la Mémoire des millions de juifs disparus dans les camps.

En se présentant aux téléspectateurs de "Vivement Dimanche" sur France 2 en mars dernier,  Delphine Horvilleur a confié son parcours atypique: des études aux Etats-Unis où, dit-elle, "Il est plus fréquent de voir une femme rabbin qu'en France",  les virages de sa vie, ses études de médecine, le journalisme, la naissance de sa vocation mais surtout sa passion des Ecritures qui la mena à cinq ans d'études pour exercer sa mission. C'est à partir de ce point précis qu'elle aborde son dernier ouvrage.

Elle y explore en effet l'antisémitisme sous un angle spécifique tel qu'il est perçu par les textes sacrés, la tradition et les légendes juives. Quelle que soit la confession du lecteur, agnostique ou non, son ouvrage interroge et permet, sous certains aspects de comprendre les racines de ce mal qui gangrène le vivre ensemble.

L'éclairage de Delphine Horvilleur interpelle les sources de l'Ancien Testament ou Thora où l'on découvre l'identité hébraïque comme celle d'un "arrachement à la terre de naissance" d'Abraham en partance vers une Terre Promise, puis celle du départ d'Egypte. Un nouvel arrachement qui "fait exister le peuple dans une non-identité au lieu qui l'a vu naître".

Persécutions sous domination romaine, Moyen-Age "où fleurissait déjà une littérature antijuive" suggérant que "la virilité faisait biologiquement défaut au corps juif et pas seulement à son esprit", puis Freud qui établira au début du XXème siècle "un lien direct entre antisémitisme et misogynie".

Ces deux aspects reliés amenèrent peu à peu l'idée d'une "science de la race juive sur laquelle l'idéologie nazie va s'appuyer, décrivant le corps juif biologiquement différent". Delphine Horvilleur évoque le cas d'Otto Weininger , haineux de ses origines, soutenant cette thèse de féminité et qui finit par se suicider en 1903 ce qui aurait fait dire à Hitler qu'il était "l'unique Juif honnête".

L'antisémitisme est une "accusation paradoxale" explique enfin Delphine Horvilleur. "L'antisémite reproche au Juif d'avoir quelque chose qu'il n'a pas, un accès au pouvoir, à l'argent." Mais en même temps, "il est perçu par certains comme moins qu'un homme", ce qui, intellectuellement conduit à un non-sens.

Que faire donc ? L'auteur le reconnait : "On en vient jamais à bout." Avec une note d'espoir: "Identifier les générations nouvelles et enseigner une responsabilité collective et individuelle."

Marie-Hélène Abrond

Photos: JF Paga

Publié le 25 février 2019

 

 

 

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