Mais "Qu'est-ce que la mode ?"

Voilà un sujet qui paraît léger mais qui prend corps dans le podcast proposé chaque semaine depuis un an par Elsie Pomier dont le métier est "designer de l'individu". Passionnée par le vêtement, celle qui a reçu une formation de styliste veut que la personne soit au coeur du processus de création. Elle s'interroge, interroge aussi, les concepteurs, créateurs, historiens sur le sujet et en visite tous les aspects grâce à ses invités: Audrey Millet, la semaine dernière pour la sortie de son "Livre noir de la mode" dont nous reparlerons prochainement et aujourd'hui la chanteuse Dominica Merola, qui évoque avec elle le lien entre le vêtement et la présence scénique dans les concerts. Il était donc temps pour nous d'interroger l'animatrice de ces entretiens, en toute simplicité.

Comment est née l'idée de ce podcast ?

Mes études et mon projet professionnel dans le milieu de la mode m'ont amenée à m'interroger. Se questionner sur le vêtement s'est rapidement imposé. J'en ai parlé à des amies qui n'étaient pas du secteur. Toutes reconnaissaient qu'il y avait un vrai sujet. Je n'ai pas fait d'études académiques ou littéraires. Je n'avais pas envie de réfléchir seule à la question. J'ai donc eu envie d'interroger des acteurs de la mode. Plus les discussions avançaient, plus j'ai découvert que les champs de réponses étaient larges. C'est ainsi que le podcast s'est lancé.

As-tu réussi  à répondre à la question "Qu'est-ce que la mode" ?30122020 img 2555

En tant que designer de l'individu mais aussi au cours de mes entretiens, on comprend que la mode est un moyen d'expression personnel avec soi-même. C'est aussi un moyen  de communication car la personne est regardée, voire observée.  Ce regard des autres provoque beaucoup de choses qui peuvent aller du jugement à l'émerveillement. C'est un mode d'interaction sociale, entre l'individu, les groupes sociaux avec l'instant présent mais aussi le passé. Les réponses de mes interlocuteurs permettent de découvrir toutes les subtilités de la question. Au fond, la mode n'est pas un vêtement, un accessoire, un vestiaire ou un objet mais ce sont aussi de nombreux aspects conceptuels et philosophiques. Chacun perçoit les choses différemment selon le lieu où il se trouve ou son métier. Par exemple, un styliste international n'a pas la même façon de travailler la mode et de la définir qu'un styliste créateur local.

La mode a-t-elle toujours été ta passion ?

Ce qui m'a toujours attirée, c'est le dessin. J'ai toujours senti, c'est vrai, un décalage avec la mode en tant que telle mais me suis toujours passionnée pour l'aspect conceptuel, historique, philosophique et sociologique. J'ai appris le stylisme, le modélisme avec une spécialisation de conseil en image. Car l'objectif premier des métiers est d'aboutir à un objet alors que le conseil en image est de valoriser l'esthétique d'un corps à travers le vêtement.

Tu parles de la mode et aussi du vêtement, deux aspects qui semblent distincts. Est-ce dû à ton métier de désigner de l'individu ?

Mon métier me permet de rapprocher l'habit de l'individu. J'aime valoriser la singularité de chacun par le vêtement. C'est l'objet de ma spécialisation. Il s'agit de travailler l'image de l'être humain par le vêtement afin que ce dernier devienne un support de communication, un outil qui va influencer l'interaction, le discours tenu. En travaillant l'habit et l'image, je réunis cette image et le verbe. Le vêtement souligne, valorise le discours, permet de l'exprimer selon la personne, le contexte social, professionnel, la temporalité, le lieu de l'intervention et le contenu. Le vêtement est un outil parmi tant d'autres pour exprimer ses idées. La couleur a aussi un rôle. Chacun a un nuancier de couleurs qui lui est propre comme une empreinte digitale. L'objectif est de découvrir les teintes des vêtements qui résonnent avec les nôtres et mettent en valeur particulièrement  le visage, notre première zone de communication.

Et en période de confinement, quid de la mode dans le regard des autres si on est en visioconférence ?

Alors c'est vrai, on peut décider de très bien habiller le haut du corps visible à l'écran mais en restant, par exemple pieds nus. Si on communique dans un milieu ultra formel, cela peut influencer le discours, la façon de présenter parce que physiquement, on sera très détendu, peut-être trop. On peut se dire aussi qu'il ne faut pas se lever parce qu'on a mis un bas de jogging ! Cela reste dans la tête et peut influencer la concentration. 

30122020 img 2439Tu as, à tes débuts, travaillé dans le secteur associatif. Qu'est-ce que cela t'a apporté ?

Après mes études, je me suis interrogée sur mon investissement dans le secteur de la mode en lien avec l'humain. Je voyais l'esclavage que cela peut représenter que ce soit au fond du Bangladesh ou en Europe. Je voulais que la production du vêtement soit un outil pour valoriser l'être humain. J'ai donc géré, dans le secteur associatif, un atelier de confection avec des personnes de 16 à 68 ans. Le projet était de donner une activité régulière à des bénévoles ou à des personnes en résinsertion sociale. Il y avait l'aspect fabrication, qualité de la couture et tout le côté recyclage du vêtement à un moment où le sujet n'était pas à la mode. Puis, on est parti sur le même principe avec la création. Par exemple, on récupérait des matières premières, des tissus qui pouvaient avoir des petits défauts mais qui pouvaient être réinvestis. Il y avait un vrai processus de créativité mais aussi de protection de l'environnement. C'était une expérience humaine à la fois très riche et complexe, un projet humanitaire. L'idée était "Comment, à travers la création du vêtement, pouvait-on aussi prendre soin des êtres humains ?".

Quels rêves d'interviews as-tu pu déjà réaliser sur ton podcast ? Et quels sont tes rêves à venir ?

Audrey Millet a été une rencontre marquante car elle m'a encouragée dans ma démarche et nous avons travaillé ensemble sur une chronique concernant l'histoire des accessoires. Des séquences culture très enrichissantes. J'aimerais poursuivre  avec des rencontres de philosophes, d'anthropologues mais aussi, pourquoi pas, des politiques, sur l'influence du vêtement dans leur "métier". De nombreux univers à explorer !

Ecoutez sous ce lien l'interview Audrey Millet, pour son "Livre Noir de la mode" publié aux Editions Les Pérégrines. Et celle de Dominica Merola en direct de Montreal.

 

Marie-Hélène Abrond

Publié le 30 mars 2021

 

 

 

Commentaires

  • Da Silva Ricardo
    • 1. Da Silva Ricardo Le 01/04/2021
    Superbe découverte ! J’adore le contenu.

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